Présence française en Afrique (02/2010)

Publié le par Frank Chantepie

Ouest-France.fr, samedi 20 février 2010
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En visite express à Dakar, le ministre français de la Défense a confirmé aux autorités sénégalaises la fermeture des bases militaires où stationnent 1 200 soldats français.

Hervé Morin a joué le ministre-coursier, hier. Il a livré au président Wade, le chef de l'État sénégalais, un message de Nicolas Sarkozy confirmant la fermeture des trois bases françaises du Sénégal et le départ des forces de présence stationnées dans le pays en vertu d'un accord de 1974.

Cette décision contredit ce qu'assurait, il y a encore quelques jours, le commandant des Forces françaises du Cap-Vert, rappelant « la position géographique » du pays et la présence du « seul port en eau profonde d'Afrique de l'Ouest ».

La teneur du message a été dévoilée, hier soir, par un porte-parole sénégalais : « Les bases militaires françaises vont quitter Dakar en vertu d'un accord qui sera signé avant le 4 avril. » Cette annonce a été confirmée, peu après, par le ministère français de la Défense : « Le concept de base a vécu et l'on va vers autre chose, la mise en place d'un pôle de coopération régionale [...]. Les détails doivent encore faire l'objet de discussions avec la partie sénégalaise ». Paris entend toutefois conserver un « pôle de coopération militaire à vocation régionale ».

Cette décision intervient alors que les deux pays renégocient les termes de l'accord de défense qui les lient depuis vingt-six ans. Accord qui, comme les sept autres accords de défense entre la France et des pays d'Afrique, a été ou va être renégocié. Déjà, les accords avec le Togo et le Cameroun ont été revus et ratifiés.

Les implications de ce retrait sont nombreuses. Dans une perspective française, il s'inscrit dans un redéploiement des forces françaises d'Afrique. La base d'Abidjan a déjà fermé ; il ne va donc rester que celle de Djibouti et certainement celle du Gabon.

Un intérêt pour les Américains

Pour les Sénégalais, le départ français va signifier la perte d'emplois locaux et la récupération d'emprises dont la valeur immobilière est importante, selon notre correspondante à Dakar, Pour les Américains, il pourrait constituer une bonne occasion de trouver un point de chute à leur Africom, le commandement Afrique basé, pour l'instant à... Sttugart. Signe d'un rapprochement américano-sénégalais : le chef d'état-major sénégalais s'est rendu au siège de l'Africom le 11 février pour une visite qualifiée d'historique.

Philippe CHAPLEAU.

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L'actualité du continent décryptée
par Sabine Cessou, Thomas Hofnung et Christophe Ayad. 20/02/2010. 

 
France-Afrique: Sarkozy ne fait pas de sentiment, par Thomas Hofnung

On se demandait pourquoi Nicolas Sarkozy avait décidé d’ajouter une étape au Gabon, la semaine prochaine, à son voyage au Rwanda destiné à sceller la réconciliation avec Kigali, le 25 février. Depuis son élection, en mai 2007, c’est en effet la troisième fois qu’il se rendra à Libreville. Depuis vendredi soir, on a la réponse. Paris a décidé de fermer sa base militaire à Dakar pour ne conserver qu’une seule emprise permanente sur la façade atlantique du continent africain, au Gabon. En rendant visite à Ali Bongo, le fils du défunt président Omar Bongo, élu dans des conditions contestées l’été dernier, Nicolas Sarkozy vient souligner l’intérêt stratégique que revêt le Gabon pour la France.

Vendredi, c’est le ministre français de la Défense, Hervé Morin, qui est venu annoncer la nouvelle au président Abdoulaye Wade à Dakar. Il était porteur d’un message personnel de Nicolas Sarkozy à son homologue sénégalais. Histoire de faire passer la pilule, Morin a annoncé que les 1200 hommes déployés à Dakar seraient remplacés par un «pôle de coopération militaire à vocation régionale», aux contours vagues. Mais c’est bien une page d’histoire qui va se tourner entre les deux pays. Le Sénégal fut une colonie française durant trois siècles avant d’accéder à l’indépendance, voici 50 ans. Dakar fut la capitale de l’AOF (Afrique occidentale française). Les liens historiques et culturels entre Paris et Dakar sont infiniment plus riches et étroits que ceux qui peuvent exister entre la France et le Gabon.

Après la base militaire d’Abidjan, dont la fermeture a été décidée en catimini, la France poursuit donc la réorganisation de se présence militaire sur le continent. Libreville présente un avantage considérable: la base militaire française est attenante à l’aéroport. A Dakar, elle est distante d’une dizaine de kilomètres. Par le passé, l’aéroport de Libreville a servi à évacuer des ressortissants français fuyant des crises au Congo-Brazzaville, au Tchad ou en Centrafrique. De la capitale gabonaise, il est aussi aisé d’envoyer des renforts militaires en Afrique centrale, ou encore en Côte d’Ivoire.

Avant son élection, Nicolas Sarkozy avait promis de moderniser les relations de la France et l’Afrique. S’il semble bien décidé à faire évoluer la carte militaire et à jeter par dessus bord l’encombrant képi de «gendarme de l’Afrique», on ne peut pas en dire autant de sa diplomatie. Formé à l’école de Charles Pasqua, le chef de l’Etat continue de recourir aux réseaux parallèles et aux rapports personnels avec les dirigeants locaux. Sa visite au Gabon, où la France a été accusée de cautionner l’élection contestée de Bongo en août dernier, le démontre une fois de plus. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes de cette troisième visite à Libreville.     
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