Jacques Chirac (1995-2007)

Jacques Chirac (1995-2007)

 

En 1995, François Mitterrand ne se représente pas.

A droite, Edouard Balladur s’oppose à Jacques Chirac, et si au premier tour de scrutin Lionel Jospin arrive en tête avec 23,30% des suffrages exprimés, Jacques Chirac (RPR), avec 20,84%, devance Edouard Balladur (autre candidat du RPR mais soutenu par l’UDF)  qui n’obtient que 18,58% des voix. On notera cependant le score de Jean-Marie Le Pen (FN), 15%, ainsi que celui du candidat du PCF, Robert Hue, 8,64% qui augmente le score de son parti de 1,88% par rapport aux élections présidentielles de 1988, mais surtout la forte progression de Lutte Ouvrière avec Arlette Laguiller : 5,30%, qui augmente son score de 3,31% ; les 4 autres candidats  se partageant les 8,24% de suffrages exprimés restants. DE façon générale on retiendra donc, d’une part un éparpillement des votes et une montée des extrêmes pour ce premier tour.

An second tour des élections jacques Chirac l’emporte contre Lionel Jospin, avec 52,64% des voix, porté par son intention de « réduire la fracture sociale ».

La passation de pouvoir a lieu le:17 mai 1995.

 Il nomme Alain Juppé au poste de Premier ministre. Dans la foulée, Philippe Séguin, RPR également, est élu Président de l’Assemblée Nationale.

 

Le premier septennat (1995-2002)

 

Le discours que prononce Jacques Chirac, le 16 juillet 1995,  pour le 53ème anniversaire de la rafle du Vel’d’Hiv (16-17 juillet 1942) marque le début de sa présidence. Il reconnaît pour la première fois la responsabilité de l'Etat Français, mais également des Français, dans cet évènement tragique et dans la Shoah. C’est une rupture avec ses prédécesseurs et l’un des thèmes importants de ses années de pouvoir, au même titre que la condamnation de l’esclavage.

 

Extraits du discours du Vel’d’Hiv :

«  Ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français.

Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 4 500 policiers et gendarmes français, sous l'autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis.

Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de dix mille hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police.
(…)

La France, patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux.  »


Sa politique étrangère s’inscrit dès le début dans la lignée de celle de ses prédécesseurs, et en particulier de celle du général de Gaulle.

Lors du référendum sur l'indépendance du Québec en 1995, c'est le premier à avoir affirmer qu'il reconnaîtrait la nouvelle République du Québec si le « Oui » l’emportait.  Le « Non » l’emporte avec 50,4% des votes (moins de 50 000 votes de différence). 

C’est aussi la poursuite et l’achèvement du programme nucléaire français dans le cadre de la Défense. Le 15 juillet 1991 François Mitterrand avait lancé le dernier essai français dans le Pacifique avant un moratoire d’un an décidé  le 8 avril 1992, et renouvelé. Le 13 juin 1995 le président Jacques Chirac rompt le moratoire et ordonne la réalisation d'une dernière campagne d'essais nucléaires dans le Pacifique. Cette ultime campagne ayant pour but de compléter les données scientifiques et techniques pour passer définitivement à la simulation. Six tirs nucléaires sont effectués entre le 5 septembre 1995 et le 27 janvier 1996, avant que le chef de l’Etat n’annonce leur «arrêt définitif», le 29 janvier 1996. Cinq mois à peine après le dernier tir-test effectué sur l'atoll de Mururoa, la France renonce définitivement aux essais nucléaires en Polynésie française. En 1997 elle adhère au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires qu’elle ratifie en avril 1998.

Si Jacques Chirac ne rejette pas la possibilité d’un retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN, il conditionne ce retour à une réforme de l’Alliance qui serait fondée sur un nouveau partage des responsabilités. Les États-Unis n’en veulent pas et la France demeure sur ses positions.

Il poursuit la politique arabe de ses prédécesseurs. Le 8 avril 1996, le Président français expliqua, dans un discours à l’Université du Caire, que la «politique arabe de la France» devait revêtir «une dimension essentielle» dans la diplomatie du pays. En octobre de la même année son voyage en Israël donne le ton à sa politique vis à vis du Moyen-Orient. Son fameux « coup de gueule » fera le tour du monde.


Son positionnement tardif pour l’U.E. s’exprime dans son engagement vis-à-vis de l’Europe de la défense ( Sommet de Saint-Malo,1998, accord avec les Britanniques : l'UE "doit avoir une capacité autonome d’action" ).s

 et pour lui cet engagement de la France dans l’U.E. ne peut s’entendre sans une dynamique franco-allemande, ainsi parlera-t-on d’un axe « Chirac - Schröder », ce dernier l’aidant beaucoup dans cette démarche. Cet engagement n’est pas sans rappeler l’axe Mitterrand - Kohl.

 

Dés son premier mandat il réaffirme la primauté de l’ONU et du droit international dans un monde multipolaire. Il se déclare favorable à un élargissement du Conseil de sécurité dans les deux catégories de membres – les permanents et les non permanents –, ainsi qu’à une réforme plus générale de l’Organisation.

 

Pour les autres questions de politique étrangère lors de ce premier septennat elles se réfèreront au désir d’un monde multipolaire et non unipolaire et à la primauté du droit international. Toute sa diplomatie va se placer dans un cadre d’inspiration gaullienne et poursuivre celle de ses et son prédécesseur, la seule différence avec eux est qu’il se retrouve dans un monde à tendance unipolaire.

Pour approfondir ce sujet de la politique étrangère on pourra lire avec profit : « La politique extérieure du Président jacques Chirac dans un monde américano-centré » par Laurent LOMBART. (Attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III, France) et membre du Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC, France ).

 

La politique intérieure engagée par Alain Juppé poursuit une politique de rigueur en privilégiant l’aide aux entreprises, et en augmentant les impôts pour réduire la dette de l’Etat, mais le chômage ne recule pas. Lorsqu’il engage la réforme de la Sécurité sociale le pays est paralysé par des grèves. L’impopularité du gouvernement est à son comble.

 

En 1997 la question est de savoir s’il faut dissoudre ou non l’Assemblée Nationale. La prochaine échéance électorale est l’année suivante.

Faut-il attendre ?

Depuis 1993 le pays réel a changé considérablement, en 1995 il était possible d’imaginer qu’il s’était très peu modifié et donc de comprendre qu’une dissolution ne s’avérait pas indispensable puisque cette représentation législative semblait correspondre au pays réel qui venait d’élire un nouveau Président de la République. Les aspirations de l’opinion publique ont cependant beaucoup évoluées depuis 1995, l’opinion publique n’accepte pas la politique du gouvernement qui cependant détient une majorité écrasante à l’Assemblée. Mais comment s’appuyer sur la majorité d’une Assemblée qui ne paraît plus légitime, même si le pouvoir de ses élus est légal, pour imposer les réformes  envisagées ?

C’était méconnaître en 1995 la rapidité de modification des opinions publiques, en se référant aux élections précédentes le Président de la République pouvait attendre, en pratiquant la dissolution, une majorité présidentielle, peut-être plus faible que la précédente, mais une majorité cependant, qui pouvait lui permettre de poursuivre, malgré des tentions, sa politique de réforme. Mais une dissolution à cette époque aurait jeté un trouble si ce n’est une incompréhension dans le rang de ses partisans et de la majorité. Le choix n’était pas simple mais il ne l’est pas plus en 1997.

Peut-être cette question est-elle sous-tendue dans cette décision, « peut-on gouverner sans l’opinion publique ? » Aussi, pour redonner de la légitimité à son gouvernement Jacques Chirac dissout ( Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections.) Lors de sa déclaration télévisée du 21 avril 1997 le Président de la République rappelle que les échéances à venir comme la mise en place de la monnaie unique ou les réformes en cours nécessitent « une majorité ressourcée et disposant du temps nécessaire à l'action (…) qu'il faut, dès maintenant, aller plus loin sur le chemin des changements. Il faut que l'action politique monte en puissance pendant les cinq années qui viennent. Pour réussir, la France a besoin d'un nouvel élan. Cet élan ne peut être donné que par l'adhésion, clairement exprimée, du peuple français. »


Le parti socialiste est le grand vainqueur de ces élections législatives anticipées de juin 1997, puisqu’il obtient 245 sièges à lui seul, alors que l’UDF n’en obtient que 109 et le RPR 140. On comptabilisera pour la gauche 37 députés communistes , 29 divers gauche et 8 écologistes. Il faudrait ajouter 8 divers droite et, en dehors de tout compte, 1 député FN. Toujours est-il que le PS et ses alliés comptabilisent 319 sièges contre 257 à la droite (excepté le seul député FN non comptabilisé). Jacques Chirac ne peut que demander au leader du PS, Lionel Jospin, de devenir Premier ministre. La « gauche plurielle » a gagné et obtient la majorité absolue. Aux élections européennes de juin 1999 la gauche plurielle remporte également les élections, mais recule au élections municipales de mars 2001 ( Au total à l'issue du second tour, la droite parlementaire contrôle 318 municipalités de plus de 15 000 habitants et la gauche plurielle 259 ). Comme François Mitterrand en 1986-1988, Jacques Chirac, s'appuyant sur son rôle de gardien des intérêts permanents, il adresse des gestes en direction de l’opinion et fait connaître ses désaccords ou exprime ses mises en garde à propos de la politique du gouvernement. Si l’on peut remarquer quelques tensions, lors des échéances électorales nationales , il n’existe pas de divergence d’appréciation sur le rôle constitutionnel attribué à chacune des fonctions exercées (Président de la République et Premier ministre)

On retiendra le passage aux 35 heures hebdomadaires sans perte de salaire ; le Pacte civil de solidarité, ainsi que la CMU et la Parité votés en 1999 ( 8 juillet  1999: révision constitutionnelle permettant d’instaurer la parité ). On se souviendra également de la réforme constitutionnelle de 2000 et du référendum qui s’en suit ( 73,21% de « oui » ) : la durée du mandat présidentiel est ramené de 7 à 5 ans. Y est associée la modification du calendrier électoral, plaçant les élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle afin de réduire les risques de « cohabitation »

Petit à petit cependant, le mécontentement  social gagne et le gouvernement est de plus en plus impopulaire. Les thèmes de l’insécurité et de l’intégration deviennent peu à peu des thèmes incontournables pour les futurs candidats à la présidentielle.

 

« Les deux hommes déteignent l’un sur l’autre, et leurs discours tendent à se rapprocher. L’effet émollient de la cohabitation où le clivage gauche/droite est estompé est ainsi illustré. Sans jamais tenir le même discours, Jospin et Chirac perdent petit à petit, entre 1997 et 2002, leur identité propre pour employer de plus en plus un vocabulaire commun »

Analyse logométrique de la cohabitation Chirac/Jospin (1997-2002). Explication de la défaite de Lionel Jospin à l’élection présidentielle de 2002. Damon Mayaffre, CNRS-ILF-Université de Nice UMR 6039, Bases, Corpus et Langage (Nice) mayaffre@unice.fr.

Jacques Chirac n’oublie pas que la cohabitation a été voulue par les électeurs et lors des sommets internationaux les deux protagonistes parlent d’une seule voix., lors de la présidence française de l’U.E . par exemple ( juillet - décembre 2000 ).

 

Le second mandat (2002 – 2007))

 

La surprise est générale lorsque les résultats  du second tour sont connus.

Jacques Chirac : 19,88%, Jean-Marie le Pen : 16,86%, Lionel Jospin : 16,18%, François Bayrou : 6,84%, Arlette Laguiller : 5,72%, 11 autres candidats : 34,54 %, abstentions 28,40%

 Ce n’est pas Lionel Jospin qui arrive en seconde position, mais le candidat de l’extrême droite Jean-Marie Le Pen.

A lieu alors un « sursaut républicain »pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen, une grande partie de la gauche vote pour Jacques Chirac. Ce dernier est ainsi élu au second tour avec 82,15% des voix, la participation gagne 8,11% et retrouve son niveau de 1995 pour un second tour d’élection présidentielle. Enjeux et contextes politiques concourent à une plus forte participation, indépendamment d’une tendance générale à l’abstentionnisme .

Dans la foulée de l’élection présidentielle les élection législative du 9 et 16 juin donnent la majorité à la droite. L’UMP obtient 309 sièges, contre 23 à l’UDF. Le PS obtient 138 sièges et le PCF 21. L’UMP (2) obtient à lui seul la majorité absolue.

 

Le président de la République nomme Jean-Pierre Raffarin au poste de Premier ministre. Malgré les fortes mobilisations et protestations, la réforme des retraites du secteur public est votée en 2003.

On se souviendra également de la réforme de l’assurance maladie et des lois de décentralisation entre 2003 et 2005. Le 28 mars 2003 la révision constitutionnelle portant sur l’organisation décentralisée de la République permet à ces dernières d’être réalisées. 

 

On prendra note également de la loi sur la laïcité.

Jacques Chirac tranche le mercredi 17 décembre 2003 la question lancinante de la laïcité en se prononçant en faveur d'une loi prohibant les signes religieux ostensibles à l'école. Il rejette cependant l'introduction dans le calendrier scolaire de deux jours fériés supplémentaires pour les fêtes religieuses de Kippour et de l'Aïd-El-Kebir. Loi du 15 mars 2004. Le président a également annoncé la création d'un Observatoire de la laïcité en 2004.

Le 1er mars  2005: une révision constitutionnelle institue la Charte de l’environnement tandis qu’une autre révision nécessaire à la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe est effectuée .

Contre toute attente, tant à gauche qu’à droite, la France refuse la nouvelle constitution. Jacques Chirac tenait beaucoup au référendum, mais ces résultats sont également pour lui un échec personnel. Deux jours après la victoire du « non » sur le projet de constitution européenne du 29 mai 2005, J-P Raffarin doit présenter sa démission. Dominique de Villepin lui succède immédiatement.

Très vite il doit renoncer à son idée de contrat première embauche (CPE) devant les manifestations et grèves d’étudiants.

 

  

En ce qui concerne la politique étrangère on retiendra quelques événements qui montrent aussi la volonté toujours vivace de faire entendre la voix particulière de la France dans un monde multipolaire régi par le droit international et l’ONU.

Dans un discours très réformiste, le Président évoque plusieurs chantiers pour transformer la mondialisation et propose la création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement. C’est le discours du 2 septembre 2002 à Johannesburg, au Sommet de la terre. (1)


Après avoir soutenu l’intervention américaine en Afghanistan suite aux attentats du 11 septembre 2001, il s'oppose fermement, en 2003, à la guerre en Irak en posant son veto au Conseil de Sécurité de l’ONU. L’Allemagne comme la Russie le suivent dans ce choix. Le multilatéralisme en diplomatie comme l’existence d’un monde multipolaire sont deux convictions profondes affichées à cette occasion, tant par l’Allemagne que par la France. Pour lui l’U.E. doit permettre un "dialogue des cultures". En 2004, il réaffirme son désir d'"une Europe respectueuse de la diversité culturelle et soucieuse d'un développement harmonieux et durable de notre planète menacée ».


 

Dans la ligne du discours du Vel’d’Hiv, Jacques Chirac, poursuit son travail sur la mémoire nationale et la reconnaissance de ses actes par l’État et le peuple français. Cinq jours après avoir annoncé la suppression de l'alinéa de la loi du 23 février 2006 consacrant le "rôle positif" de la colonisation, le chef de l'Etat, Jacques Chirac, annonce qu'il a décidé de retenir le 10 mai comme journée commémorative de l'abolition de l'esclavage. Cette date correspond au jour de l'adoption définitive par le Parlement, en 2001, de la loi Taubira reconnaissant la traite et l'esclavage comme crimes contre l'humanité. Se souvenir n’est pas ajouter une date à une autre, mais ne pas oublier pour ne pas recommencer. 

 

Frank Chantepie


Notes 


(1) Discours de M. Jacques CHIRAC Président de la République devant l'assemblée plénière du Sommet Mondial du Développement Durable

Johannesburg - Afrique du Sud, lundi 2 septembre 2002 

Monsieur le Président, 
Mesdames, Messieurs,

Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au nord comme au sud, et nous sommes indifférents. La terre et l'humanité sont en péril et nous en sommes tous responsables.

Il est temps, je crois, d'ouvrir les yeux. Sur tous les continents, les signaux d'alerte s'allument. L'Europe est frappée par des catastrophes naturelles et des crises sanitaires. L'économie américaine, souvent boulimique en ressources naturelles, paraît atteinte d'une crise de confiance dans ses modes de régulation. L'Amérique latine est à nouveau secouée par la crise financière et donc sociale. En Asie, la multiplication des pollutions, dont témoigne le nuage brun, s'étend et menace d'empoisonnement un continent tout entier. L'Afrique est accablée par les conflits, le SIDA, la désertification, la famine. Certains pays insulaires sont menacés de disparition par le réchauffement climatique.

Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ! Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d'un crime de l'humanité contre la vie.

Notre responsabilité collective est engagée. Responsabilité première des pays développés. Première par l'histoire, première par la puissance, première par le niveau de leurs consommations. Si l'humanité entière se comportait comme les pays du nord, il faudrait deux planètes supplémentaires pour faire face à nos besoins.

Responsabilité des pays en développement aussi. Nier les contraintes à long terme au nom de l'urgence n'a pas de sens. Ces pays doivent admettre qu'il n'est d'autre solution pour eux que d'inventer un mode de croissance moins polluant.

Dix ans après Rio, nous n'avons pas de quoi être fiers. La mise en œuvre de l'Agenda 21 est laborieuse. La conscience de notre défaillance doit nous conduire, ici, à Johannesburg, à conclure l'alliance mondiale pour le développement durable.

Une alliance par laquelle les pays développés engageront la révolution écologique, la révolution de leurs modes de production et de consommation. Une alliance par laquelle ils consentiront l'effort de solidarité nécessaire en direction des pays pauvres. Une alliance à laquelle la France et l'Union européenne sont prêtes.

Une alliance par laquelle le monde en développement s'engagera sur la voie de la bonne gouvernance et du développement propre.

Nous avons devant nous, je crois, cinq chantiers prioritaires.

Le changement climatique d'abord. Il est engagé du fait de l'activité humaine. Il nous menace d'une tragédie planétaire. Il n'est plus temps de jouer chacun pour soi. De Johannesburg, doit s'élever un appel solennel vers tous les pays du monde, et d'abord vers les grands pays industrialisés, pour qu'ils ratifient et appliquent le Protocole de Kyoto. Le réchauffement climatique est encore réversible. Lourde serait la responsabilité de ceux qui refuseraient de le combattre.

Deuxième chantier : l'éradication de la pauvreté. A l'heure de la mondialisation, la persistance de la pauvreté de masse est un scandale et une aberration. Appliquons les décisions de Doha et de Monterrey. Augmentons l'aide au développement pour atteindre dans les dix ans au maximum les 0,7% du PIB. Trouvons de nouvelles sources de financement. Par exemple par un nécessaire prélèvement de solidarité sur les richesses considérables engendrées par la mondialisation.

Troisième chantier : la diversité. La diversité biologique et la diversité culturelle, toutes deux patrimoine commun de l'humanité, toutes deux sont menacées. La réponse, c'est l'affirmation du droit à la diversité et l'adoption d'engagements juridiques sur l'éthique.

Quatrième chantier : les modes de production et de consommation. Avec les entreprises, il faut mettre au point des systèmes économes en ressources naturelles, économes en déchets, économes en pollutions. L'invention du développement durable est un progrès fondamental au service duquel nous devons mettre les avancées des sciences et des technologies, dans le respect du principe de précaution. La France proposera à ses partenaires du G8 l'adoption, lors du Sommet d'Evian en juin prochain, d'une initiative pour stimuler la recherche scientifique et technologique au service du développement durable.

Cinquième chantier : la gouvernance mondiale, pour humaniser et pour maîtriser la mondialisation. Il est temps de reconnaître qu'existent des biens publics mondiaux et que nous devons les gérer ensemble. Il est temps d'affirmer et de faire prévaloir un intérêt supérieur de l'humanité, qui dépasse à l'évidence l'intérêt de chacun des pays qui la compose.

Pour assurer la cohérence de l'action internationale, nous avons besoin, je l'ai dit à Monterrey, d'un Conseil de sécurité économique et social.

Pour mieux gérer l'environnement, pour faire respecter les principes de Rio, nous avons besoin d'une Organisation mondiale de l'environnement.

Pour vérifier l'application de l'Agenda 21 et du Plan d'action de Johannesburg, la France propose que la Commission du développement durable soit investie d'une fonction d'évaluation par les pairs, comme cela existe par exemple à l'OCDE. Et la France est prête à se soumettre la première à cette évaluation.

Monsieur le Président, 
Au regard de l'histoire de la vie sur terre, celle de l'humanité commence à peine. Et pourtant, la voici déjà, par la faute de l'homme, menaçante pour la nature et donc elle-même menacée. L'Homme, pointe avancée de l'évolution, peut-il devenir l'ennemi de la Vie ? Et c'est le risque qu'aujourd'hui nous courons par égoïsme ou par aveuglement.

Il est apparu en Afrique voici plusieurs millions d'années. Fragile et désarmé, il a su, par son intelligence et ses capacités, essaimer sur la planète entière et lui imposer sa loi. Le moment est venu pour l'humanité, dans la diversité de ses cultures et de ses civilisations, dont chacune a droit d'être respectée, le moment est venu de nouer avec la nature un lien nouveau, un lien de respect et d'harmonie, et donc d'apprendre à maîtriser la puissance et les appétits de l'homme.

Et aujourd'hui, à Johannesburg, l'humanité a rendez-vous avec son destin. Et quel plus beau lieu que l'Afrique du Sud, cher Thabo MBEKI, cher Nelson MANDELA, pays emblématique par son combat victorieux contre l'apartheid, pour franchir cette nouvelle étape de l'aventure humaine !

Je vous remercie.

 

(2) Créé le 23 avril 2002, L’UMP ou Union pour un Mouvement Populaire a été créé, au départ, pour soutenir la candidature du Président sortant Jacques Chirac candidat à sa succession, on nommait alors l’UMP Union pour la majorité Présidentielle. Il regroupe le RPR et les 2/3 des députés de l’UDF. S’y côtoient des gaullistes, des libéraux et des démocrates-chrétiens.

 

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