Laïcité / Voile intégral / France / Mai 2010
"Nous ne pouvons laisser [ce voile] couvrir le visage de notre République", avait lancé le chef de file des députés UMP, Jean-François Copé, à la tribune en présentant le texte. "Le moment que nous vivons est important et symbolique. (...) Ce n'est pas une loi. Mais c'est une déclaration politique au sens noble du terme", a déclaré M. Copé. "Elle est aussi un message... Un message adressé à celles et ceux qui, en France et dans le monde, se battent pour les valeurs de dignité, de liberté, d'égalité et de fraternité" et "que nous devons défendre", a-t-il dit.
Appelant à un "esprit de rassemblement", il avait souhaité que le texte fût voté "au-delà des clivages politiques". Car "ces pratiques, inspirées par des mouvances radicales extrémistes, ne poursuivent qu'un seul but : tester la vigilance de la République. En d'autres termes : instrumentaliser la religion à des fins idéologiques et politiques". "Le voile intégral n'est pas un vêtement, c'est un masque porté en permanence, c'est une indignité... Il constitue une menace pour notre société". "Peu importe", selon lui, "le nombre de femmes concernées : zéro hier. Sans doute deux mille aujourd'hui... Nous ne pouvons laisser le voile intégral couvrir le visage de notre République."
"RACOLAGE POLITICIEN"
Si le projet a bien été voté à l'unanimité, plusieurs députés n'ont pas pris part au vote. C'est le cas de l'UMP villepiniste François Goulard. "Ce débat est largement artificiel. C'est un faux débat monté de toutes pièces. Je n'entre pas dans ce jeu-là. Je trouve que cela abaisse la politique avec des sujets qui ne sont pas prioritaires" a-t-il déclaré.
Les trois députés du Parti de gauche n'ont pas non plus participé à ce qu'ils estiment être une"mauvaise comédie". "Bien que le gouvernement ait prévu de déposer un projet de loi interdisant le port du voile intégral, le groupe UMP veut faire voter de surcroît par l'Assemblée nationale une résolution, acte solennel dès lors sans autre objet que de faire du racolage politicien", affirme dans un communiqué le Parti de gauche.
"Vous n'obtiendrez pas de nous un consensus qui vaudrait pour le projet de loi gouvernemental qui suivra", avait prévenu pour sa part le député PCF Alain Bocquet. "Votre proposition de résolution, loin de lutter contre l'enfermement des femmes et le respect de leurs droits, est un pas supplémentaire vers la diversion et la division", a-t-il estimé, dénonçant aussi l'absence de mesures contre la violence conjugale et la précarité. M. Bocquet parlait au nom des députés de son groupe sauf André Gerin, président de la mission parlementaire sur le voile intégral.
LE PS POUR LIMITER L'INTERDICTION
Le groupe socialiste a, lui, voté la résolution de l'UMP. Mais les députés PS avaient, quelques heures plus tôt, voté, en réunion de groupe, une proposition de loi visant à "fixer le champ d'interdiction" du port du voile intégral. Contrairement au projet de loi qui sera présenté le 19 mai en conseil des ministres et qui veut interdire le port du voile intégral sur l'ensemble de l'espace public, le texte PS entend circonscrire l'interdiction "aux services publics et aux commerces", a expliqué Jean-Marc Ayrault, chef de file des députés socialites.
Le projet prévoit par ailleurs une "sanction proportionnée" en proposant une "médiation sociale"aux femmes portant le voile et non une simple amende comme dans le texte gouvernemental (150 euros pour port du voile, un an de prison et 15 000 euros d'amende pour les maris les obligeant à le porter). Mais en cas de refus de médiation, l'amende prévue par les socialistes est plus lourde : 300 euros.
Mardi matin, la première secrétaire du PS, Martine Aubry, a réitéré l'opposition du PS a une interdiction du niqab dans l'ensemble de l'espace public lors d'un entretien avec le premier ministre, François Fillon, sur le projet de loi en préparation. "Nous pensons qu'interdire sur l'ensemble de l'espace public ne sera pas opérant, risque d'être stigmatisant et surtout risque d'être inefficace car totalement inappliqué", a-t-elle déclaré à l'issue de son entrevue à Matignon avec le premier ministre.